publié le 13 août 2009
Le poids de l’humain est faible face à la raison d’État, démontrent des militants qui ont publié un recueil de témoignages.
Français, vous ne pouvez pas ne pas savoir. Le gros volume cartonné édité par l’association Cette France-là décrit quatre-vingts situations de clandestins, expulsés en 2007 et 2008.
On a le choix des évocations. Prenons l’une des plus banales. Samira, 23 ans, Marocaine venue, avec sa soeur, rejoindre, il y a sept ans, son père ouvrier agricole en France depuis trente-cinq ans. Il n’obtient pas le regroupement familial. Un contrôle routier et voilà Samira embarquée de force sur un bateau pour Tanger, se retrouvant au Maroc sans relation.
Il y a aussi ces pères expulsés, laissant leur femme enceinte ou leurs enfants sans ressources. Ces Sri Lankais ou Kosovars renvoyés chez eux à leurs risques et périls. Il arrive toutefois que la mobilisation d’associations et d’élus ou la décision des tribunaux administratifs aient raison d’arrêtés préfectoraux iniques.
C’est que les préfets se font taper sur les doigts si le quota annuel de 25 000 expulsions, fixé par Brice Hortefeux à l’époque, n’est pas rempli. Alors on arrête...
Même dans les files d’attente de demandes de régularisation, témoigne Cette France-là. Dans les commissariats, un chiffre d’interpellations est fixé et, dix jours avant Noël, un officier de police zélé appelle à ne pas relâcher l’effort.
Le préfet de police de Paris réprimande le patron d’Air France en lui signalant les pilotes qui ont refusé de collaborer ou le félicite dans le cas inverse, nom du pilote cité dans la lettre officielle. Les agences pour l’emploi sont priées de collaborer.
Mais, s’interrogent les auteurs de ce livre instructif, que dire des employés de préfecture qui font traîner les dossiers et dont certains avouent crûment exécuter une mission de sauvetage du système social français mis à mal par les étrangers. C’est parfois eux qui nourrissent la machine à expulser en prolongeant la clandestinité.
Didier EUGÈNE.