Quelles ambitions ?

En matière d’immigration comme dans la plupart des autres domaines, Nicolas Sarkozy affirme être porteur d’une « rupture » avec les politiques du passé. Mais de quelle nature est le changement annoncé ? Le président de la République ne peut en effet prétendre qu’il rompt avec le « laxisme » d’antan, puisque, comme l’attestent les lois Sarkozy de 2003 et de 2006, il est largement l’inspirateur des réformes qui ont jalonné le second mandat de Jacques Chirac. Sans doute continue-t-il d’évoquer les effets nocifs des « régularisations massives » qui auraient accompagné le vote de la loi Chevènement de 1998, ainsi que de leurs répliques plus récentes en Italie et en Espagne. Toutefois, en dépit du « plus jamais ça » opposé à ce type de mesures, l’approche répressive et la volonté de contrôler plus fermement les frontières ne peuvent guère tenir lieu de rupture avec le passé récent de la politique française.

À l’inverse, il n’est pas davantage question pour le Président d’associer le changement qu’il se targue d’incarner à une politique d’accueil moins restrictive. On a certes vu, dans la Lettre de mission adressée à Brice Hortefeux [1], que le « coeur du projet présidentiel consiste à reconnaître l’intérêt pour notre pays et pour les pays d’origine d’autoriser un certain nombre d’immigrés à s’installer en France ». Pour autant, et en dépit de la fin de non-recevoir opposée au fantasme d’une « immigration zéro », ce ne sont assurément ni le relâchement du contrôle des frontières ni l’abandon de la poursuite des sans-papiers qui distinguent la politique d’immigration menée par Nicolas Sarkozy de celles de ses prédécesseurs.

La rupture revendiquée ne concerne donc pas la quantité des immigrants autorisés à s’installer ou à demeurer en France. Si l’on prête foi aux propos de Nicolas Sarkozy, c’est plutôt en termes qualitatifs qu’il convient d’appréhender le vrai changement. Conformément au contraste sans cesse souligné entre « immigration subie » et « immigration choisie », l’enjeu auquel l’État français est appelé à se mesurer ne consiste pas tant à prouver qu’il peut accueillir plus ou moins d’étrangers, mais plutôt à démontrer qu’il est en mesure de peser sur la sélection des hommes et des femmes qui, selon l’expression prisée par Brice Hortefeux, ont « vocation » à séjourner et à résider sur le territoire national [2].

Faire en sorte que l’immigration cesse d’être vécue comme un fardeau pour apparaître comme l’objet d’un choix souverain, tel est donc le sens de l’accueil d’« un certain nombre d’immigrés », que Nicolas Sarkozy considère comme le « coeur » de son projet. Il reste que choisir, même souverainement, implique de définir des critères de sélection. Or, à cet égard, on constate que continuité et innovation sont toutes deux au rendez-vous.

D’une part, les facteurs qui sont censés militer pour l’immigration choisie recoupent les justifications habituellement invoquées à l’appui d’un resserrement du contrôle des flux migratoires. Ainsi retrouve-t-on les considérations familières sur le péril qu’une immigration excessive représenterait pour la prospérité économique, l’équilibre démographique, la paix sociale, l’intégrité culturelle, le respect des lois et les partenariats internationaux du pays d’accueil.

Mais, d’autre part, ces arguments ne subsistent pas sans faire l’objet d’infléchissements destinés à les soustraire aux accusations de conservatisme, d’égoïsme ou même de racisme dont ils sont parfois les cibles. Car, loin de témoigner d’une appréhension angoissée de l’avenir et d’une frilosité à l’égard du monde, la politique d’immigration que défend Nicolas Sarkozy doit manifester sa volonté d’optimiser les évolutions et l’ouverture auxquelles la France est, à ses yeux, promise.

Notes

[1]Voir « Le choix du Président : l’hospitalité selon Nicolas Sarkozy », p. 95.

[2]Voir, par exemple, son discours à la presse du 19 juin 2008.

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