Delphine Fouda

Delphine Fouda est journaliste. Jusqu’en novembre 2006, elle vivait et travaillait dans son pays, le Cameroun, où le président Biya occupe depuis plus de vingt-cinq années la tête d’un État souvent qualifié de « démocrature ». Les journalistes camerounais qui poussent un peu trop loin leurs enquêtes sont régulièrement agressés ou emprisonnés.

En mai 2006, Delphine publie un article dans le journal L’Intelligent de Yaoundé sur le meurtre d’un magistrat. Dans son enquête, elle met en cause l’administration judiciaire de la région. Les coups de fils anonymes et les menaces se multiplient. Quelques semaines plus tard, elle est passée à tabac en pleine rue.

Delphine décide alors qu’il est temps pour elle de quitter le Cameroun et de rejoindre sa famille, en France. Sa mère, Thérèse, est installée en Alsace depuis 1994. Elle y a rencontré son époux, Marcel, et a été naturalisée peu après leur mariage. Les frères et soeurs de Delphine ont, depuis longtemps déjà, choisi de s’installer en France auprès de leur mère et de leur beau-père. Tous sont en situation régulière, étudient ou travaillent. Delphine quitte donc le Cameroun et rejoint en Alsace ses deux filles qu’elle avait envoyées chez leur grand-mère quelques mois auparavant.

Persuadée d’obtenir sans problème un titre de séjour, Delphine ne fait pas de demande d’asile auprès de l’Ofpra mais se contente de déposer un dossier à la préfecture du Haut-Rhin. Après huit mois sans réponse, elle apprend, durant l’été 2007, qu’elle fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. La journaliste dépose alors une demande d’asile qui sera immédiatement rejetée.

Elle attendait la décision de la commission de recours quand les gendarmes sont venus l’interpeller au domicile de ses parents, pour l’emmener au centre de rétention de Geispolsheim. Elle en sortira quelques jours plus tard, direction le consulat du Cameroun pour y obtenir le laissez-passer nécessaire à son expulsion.

D’ordinaire, les autorités consulaires camerounaises rechignent à accorder de tels laissez-passer. Leurs réticences, qui compliquent singulièrement la tâche des autorités françaises, ont valu au Cameroun de figurer sur la liste des pays « non coopératifs », établie par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. Toutefois, dans le cas de Delphine, le consulat se montrera particulièrement « coopératif », la préfecture du Haut-Rhin ayant apparemment pris soin de lui transmettre le dossier de demande d’asile dans lequel la journaliste dénonce, entre autres, le comportement de la police de son pays. « Vous êtes en train de ternir le rayonnement du Cameroun », lui lancera le fonctionnaire du consulat avant de signer le laissez-passer.

De retour au centre de rétention, Delphine apprend que la Cour européenne des droits de l’homme, qu’elle avait saisie la veille, demande à la France de suspendre son expulsion jusqu’à l’examen approfondi de sa situation. Delphine est libérée le 10 janvier 2008. Depuis, elle attend que quelqu’un décide du cours de sa vie.

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