Le 18 février 2008, Gloire de Dieu, onze ans, rentre du collège chez lui, à Corbeil-Essonnes. Il attend sa mère qui n’arrivera pas. Ghislaine Antou Matouba Fouma a été arrêtée sur son lieu de travail dans la matinée. Elle est enfermée au centre de rétention de l’île de la Cité, à Paris.
Ghislaine a quitté le Congo-Brazzaville en 1998, peu de temps après la guerre civile pendant laquelle sont morts son père et sa soeur. Après s’être réfugiée pendant quatre ans au Gabon, elle retourne au Congo pour confier son fils à sa soeur cadette et part pour la France. La demande d’asile qu’elle fait à son arrivée, en 2003, est rejetée. La situation précaire dans laquelle elle se trouve fait qu’elle accepte les faux papiers qu’on lui propose, en 2005. Elle trouve alors du travail en tant qu’aide-soignante puis rencontre Joël, un Français. Le couple envisage le mariage et Joël adopte Gloire. En décembre 2006, le petit garçon obtient un passeport français et peut enfin rejoindre sa mère.
En janvier 2008, Ghislaine trouve un emploi dans une maison de retraite en Seine-et-Marne. Le directeur, content d’elle, veut renouveler son contrat. Mais la loi oblige désormais les patrons à vérifier, auprès de la préfecture, l’authenticité des papiers de leurs salariés étrangers. L’administration découvre ainsi l’irrégularité de la situation de Mme Matouba Fouma. Sur décision du préfet de Seine-et-Marne, Michel Guillot, des policiers, accompagnés d’agents de l’Urssaf, procèdent à l’interpellation. Gloire n’a pas été prévenu : la police n’a pas autorisé sa mère à téléphoner au collège. C’est son oncle qui, quelques heures plus tard, arrive de Rouen pour le mettre au courant. Seulement, il ne peut s’occuper de lui que le temps d’une soirée. Dès le lendemain, le petit garçon est donc livré à lui-même, sans argent. Le mardi soir, il dort seul dans l’appartement. Le mercredi, la cantine est fermée, Gloire est donc contraint de se passer de déjeuner. RESF est rapidement mis au courant de la situation. Nadine Thomain, membre du réseau, recueille alors Gloire chez elle en urgence. « J’ai été soulagé quand Nadia et Nadine sont venues me chercher », raconte le petit garçon. Il passe la nuit chez un autre membre de RESF, Michel Nouaille, puisque le juge a décidé, quelques heures plus tôt, le maintien en rétention de sa mère.
Le jeudi 21 février, Ghislaine est convoquée au tribunal administratif de Paris. L’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) est annulé. Elle est libérée du centre de rétention en fin de journée et peut récupérer son fils.
Après sa libération, Mme Matouba Fouma subit un véritable harcèlement policier. Entre mars et septembre, elle reçoit, par courrier ou par téléphone, neuf convocations. En août, la police de Corbeil-Essonne lui demande, en la menaçant de la placer en garde à vue et de l’expulser, son faux passeport. Elle leur répond qu’elle ne l’a plus, que ce sont les agents de la police aux frontières qui le lui ont pris lors de son arrestation. Ils ne la croient pas. Ils procèdent donc sur le champ à une perquisition au domicile de Ghislaine. Bien que la famille vive dans un tout petit appartement, les policiers resteront trois quarts d’heure pour fouiller chaque recoin du logement. En vain.
La dernière convocation, le 25 septembre, a pour objet une plainte qu’aurait déposée une ancienne collègue de Ghislaine pour menace d’envoûtement… Il n’y a eu aucune suite à cette affaire.
En juillet, Mme Matouba Fouma comparaît devant le tribunal de grande instance de Melun pour usage de faux. La justice lui reproche d’avoir travaillé grâce à de faux documents. Elle est condamnée à deux mois de prison avec sursis. Elle est alors toujours en situation irrégulière, elle a bien déposé une demande de régularisation par le travail auprès de la préfecture de l’Essonne, mais n’a jamais obtenu de réponse. Et elle attend encore un jugement. En effet, la préfecture de Seine-et-Marne a fait appel de la décision prise par le tribunal administratif le 21 février. Si la préfecture gagne cet appel, Ghislaine Antou Matouba Fouma sera donc de nouveau sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière.