Marc

Marc [1] est né au Cameroun en 1988. Il est orphelin de père et, lorsque sa mère se remarie, elle le confie à sa grand-mère. Mais celle-ci tombe malade et subvient difficilement à leurs besoins. Marc décide de quitter le quartier pauvre de Yaoundé, où il a grandi, pour venir en France. « J’étais prêt à faire n’importe quel travail, car mon but était de pouvoir me payer des études. »

Arrivé sur le territoire français en janvier 2005, le jeune homme, qui a alors seize ans, est embauché pour effectuer des livraisons. Il n’a, pour seule rémunération, que de la nourriture et un endroit pour dormir. « Un jour, la personne avec qui je livrais avait garé sa camionnette sur les clous. Trois policiers ont cogné sur la vitre et ont demandé mes papiers. Mon collègue leur a expliqué que j’étais obligé de travailler si je voulais manger. Les policiers sont restés longtemps, et l’un d’eux voulait m’amener au poste. Heureusement, leur chef a dit  : “Bon, on y va”, et ils m’ont laissé. »

Quelques mois plus tard, Marc rencontre des salariés de Hors la Rue, une association qui aide les mineurs isolés, et, en juin 2005, le juge pour enfants le place sous protection de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Marc passe des tests qui lui permettent d’intégrer la seconde en 2005-2006, il se retrouve dans le lycée d’un « beau quartier » de Paris. C’est un élève sérieux et il obtient un avis favorable pour un passage en première scientifique. Toutefois, en dépit de l’appui de ses professeurs, l’ASE lui demande plutôt de passer un BEP comptabilité afin d’être indépendant financièrement plus rapidement. En 2007, il l’obtient avec succès.Mais parallèlement, il prépare les épreuves au baccalauréat scientifique en candidat libre.

Marc trouve une structure qui est prête à l’embaucher à la condition qu’il ait une carte de séjour. Dès ses dix-huit ans, en octobre 2006, il entame une procédure de régularisation auprès de la préfecture de police de Paris. En janvier 2007, il y est convoqué et apprend que sa demande de régularisation a été refusée. « Mais je n’ai jamais reçu de notification de refus écrite,explique-t-il, je ne pouvais donc pas faire de recours auprès du tribunal administratif. Hors la Rue m’accompagnait régulièrement à la préfecture, qui confirmait à chaque fois le rejet de ma demande, tout en refusant de me donner la preuve écrite. Pendant dix-huit mois, j’étais bloqué administrativement et j’avais peur d’être arrêté et expulsé. » Marc déménage dans les Hauts-de-Seine et reçoit finalement, en janvier 2008, la notification de refus, accompagnée d’une obligation de quitter le territoire.

« J’étais face au risque d’une expulsion, mais c’était aussi comme un déblocage, dans la mesure où je pouvais enfin agir et faire appel, au lieu d’être dans l’attente. » Il forme vite un recours avec l’aide de Hors la Rue et commence à parler à ses camarades du risque d’expulsion qu’il encourt : « Au départ, je n’osais pas leur dire, parce que je ne voulais pas qu’ils me regardent avec pitié. Mais ils ont commencé à soupçonner quelque chose, parce que je ne voulais plus sortir le soir, j’avais peur de me faire arrêter. J’ai fait découvrir à mes amis que ça existait vraiment les expulsions. Ils ne savaient pas que ça pouvait arriver à quelqu’un comme eux. On devait être dix Noirs dans le lycée, et c’est sûr que j’étais le seul sans papiers. »

Au tribunal, ils sont nombreux, camarades du lycée et leurs parents, à être venus pour soutenir le jeune homme. « Quel soulagement ! Il a été décidé que le préfet avait fait une erreur d’appréciation, que le motif de refus n’était pas valable. » En juillet 2008, Marc reçoit enfin son premier récépissé lui ouvrant le droit de travailler, presque deux ans après sa demande initiale.

Photo : Carolina Boe

Notes

[1]le prénom a été modifié.

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