Samira Bobouch

Samira Bobouch, âgée de vingt-trois ans, est arrivée en France, il y a sept ans, avec sa soeur jumelle Saïda. Elles étaient venues rejoindre leur père, ouvrier agricole aujourd’hui à la retraite, en France depuis trente-cinq ans. Arrivée légalement, Samira poursuit sa scolarité au lycée professionnel de Saint-Chamas. Son père fait deux demandes de regroupement familial. Refusées.

Samira souhaite travailler auprès des handicapés. Reste à trouver la possibilité de se former. Elle devient bénévole à l’association Prévention Autisme Recherche. Puis, il y a un an, grâce à une petite annonce déposée à la boulangerie, elle rencontre Émilie, une adolescente autiste. Samira seconde la mère d’Émilie, Agnès, dans les tâches quotidiennes, si banales mais si compliquées quand il s’agit d’aider une personne lourdement handicapée. Patience, dialogue, affection sont autant d’armes déployées pour offrir à Émilie quelques moments « normaux » : retrouver le plaisir de prendre un bain, aller faire du shopping avec d’autres adolescents. Agnès, elle-même diplômée pour la prise en charge d’enfants autistes, encourage Samira à étudier. Elle la soutiendra.

Mais le 19 novembre 2007, un banal contrôle routier a raison des désirs de Samira. Sans papiers, elle est conduite au centre de rétention administrative (CRA) du Canet, où elle reste quatorze jours. Elle reçoit des visites de son père et de militants RESF. « J’arrêtais pas de pleurer, je comprenais rien du tout. Rien que de voir les gardiens ça me faisait peur. […] C’était un cauchemar, on dirait que j’étais pas vivante, j’attendais toujours que quelqu’un vienne me voir parce que c’était pas possible de rester comme ça, quoi. »

Le 4 décembre, la police aux frontières (PAF) la présente au vol Air France Marseille-Casablanca. Les autorités lui font comprendre qu’elle ne devrait pas résister. La veille, la commandante du CRA du Canet osait un « Ne rate pas ta chance. Tu pourras revenir facilement, tu as des possibilités », lui ment-elle. De leur côté, de nombreux soutiens — des élus et des habitants de Velaux, son village, certains de ses anciens enseignants, des militants de la Ligue des droits de l’homme et de RESF — tentent de mobiliser les passagers pour Casablanca. Ils ne doivent pas laisser faire cette expulsion. La pression est forte, mais Samira résiste : elle refuse d’embarquer, s’exposant à une peine de prison.

Jean-Pierre Maggi, le maire de Velaux, dépose à la préfecture des Bouches-du-Rhône une promesse d’embauche pour Samira. Rien ne bouge. Retour au CRA du Canet, en attendant une convocation deux jours plus tard devant le juge des libertés et de la détention. Elle ne le verra jamais. Le 5 décembre, la PAF la conduit à Sète pour l’embarquer sur un bateau en direction de Tanger. Elle refuse de descendre de la voiture qui la conduit. Un policier la force. Menottée, elle exprime de nouveau son refus d’embarquer. La PAF l’ignore, elle la fait monter de force et la menotte à son lit. « Ne m’abandonnez pas », téléphone-t-elle à ses amis quand elle récupère son portable.

Le lendemain, elle retrouvait le Maroc après sept années d’absence. Déracinée dans une famille qu’elle n’avait plus revue, Samira patiente et espère toujours pouvoir rejoindre son père et sa soeur. Des militants de l’Association marocaine des droits de l’homme la soutiennent. La cour administrative d’appel de Marseille a été saisie par ses proches et ses soutiens en France, le 5 décembre 2007. Le verdict est tombé : Samira restera au Maroc. Après avoir été hébergée par un membre de l’antenne marocaine de RESF, elle a vécu pendant un mois dans une chambre d’hôtel que le propriétaire du lieu avait laissée gratuitement à sa disposition. Elle a vécu un moment avec d’autres jeunes filles qui avaient accepté de l’accueillir dans leur appartement d’un quartier populaire de Tanger. Mais supportant difficilement de vivre de la charité, elle a finalement quitté Tanger pour rejoindre des proches de son père, avec une seule obsession : rentrer chez elle à Marseille.

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