« Ils ont essayé sept fois de m’expulser, mais ils n’y arrivent pas ! », raconte avec un humour un peu désespéré Samson Adzavic, vingt-neuf ans. « La dernière fois, au « centre d’expulsion », j’en avais tellement assez que je leur ai dit de me renvoyer, plutôt que de m’arrêter tout le temps pour me relâcher ensuite. »
Depuis sa naissance, Samson a une fâcheuse tendance à ne pas rentrer dans les cases des administrations. D’après les estimations de sa famille, Samson est né le 6 juin 1979 dans le village de Niksic, au Monténégro. Ses parents ne l’ont pas déclaré à l’état civil, une manière pour les Roms de tenir à distance une machine administrative et étatique dont ils se méfient.
Dans les années 1980, sa famille circule un peu partout en Europe, principalement entre l’ex-Yougoslavie et l’Italie, où Samson passe la majeure partie de son enfance. La guerre qui ravage la Fédération yougoslave dissuade les Adzavic de retourner au pays. La famille choisit alors de s’implanter en France et fait une demande d’asile en 1994 qui est rejetée. Ses parents reçoivent un arrêté de reconduite à la frontière. Fidèle à sa stratégie d’adaptation administrative, la famille s’exécute, passe la frontière italienne, fait tamponner les passeports yougoslaves des parents et revient aussitôt.
Les Adzavic se lient avec des gens du voyage du sud de la France. À l’âge de dix-sept ans, Samson épouse l’une des leurs, une jeune fille française dont la famille est originaire d’Andalousie. Ils font un mariage traditionnel et n’officialisent pas leur union auprès de la mairie. Samson manque ainsi l’occasion de régulariser sa situation, mais, à l’époque, il n’a pas conscience de l’importance que cela peut avoir.
À dix-neuf ans, Samson est arrêté et enfermé pendant huit jours au centre de rétention de Perpignan avant d’être relâché. Quelque temps plus tard, il est arrêté en Allemagne lors d’une visite familiale avec des faux papiers. Reconduit en France, il est placé quinze jours au centre de rétention de Strasbourg et frappé d’une interdiction du territoire français (ITF) pour avoir utilisé une fausse identité.
« À cause de l’ITF, il valait mieux que je reprenne une nouvelle identité », explique-t-il, avec une logique bien à lui. En 2000, la police l’arrête à la sortie de Nîmes. Encore accusé d’avoir utilisé une fausse identité, il est condamné à trois mois de prison, au terme desquels il est placé huit jours en rétention. Quatre ans plus tard, c’est au centre de rétention de Sète qu’il est enfermé douze jours.
À partir de 2007, le rythme des arrestations s’accélère. Il passe quinze jours en rétention entre septembre et octobre 2007, avant d’y retourner en novembre, puis en février 2008. Toutes les tentatives d’éloignement échouentcar, enregistré nulle part, aucun état ne veut le reconnaître :« Ils ont essayé de m’expulser en Bosnie, en Croatie, en Serbie, et dernièrement au Monténégro, mais personne n’a voulu de moi. »
En parallèle, sa situation familiale se complique. Samson vient de se séparer de sa femme, par ailleurs gravement malade. Il a conscience que ses trois jeunes enfants ont davantage besoin de lui. Il voudrait maintenant se stabiliser, travailler, avoir un logement et non plus une caravane, pour accueillir ses enfants.
En tant que père d’enfants français, Samson aurait dû obtenir un titre de séjour depuis longtemps. Mais comme il n’a pas de passeport, la préfecture ne lui en délivre pas. En octobre 2008, Samson obtient seulement une autorisation provisoire de séjour, qui ne lui donne pas le droit de travailler.
Il attend maintenant la réponse de l’État monténégrin pour obtenir un passeport, et pouvoir enfin se voir accorder un titre de séjour lui donnant le droit de travailler par l’État français. L’imbroglio administratif, que sa famille pensait lui éviter à sa naissance, l’a finalement rattrapé.