Jacques Gérault

Depuis le 20 juin 2007 : préfet du Rhône et de la région Rhône-Alpes

Avant d’être nommé au poste de préfet du Rhône et de la région Rhône-Alpes, Jacques Gérault a été, pendant deux ans, directeur adjoint puis directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur. Lors de sa prise de fonction effective en juillet 2007, il déclare à la presse sa volonté « d’être efficace, avec une culture du résultat plutôt qu’une culture de moyens » [1]. Rappelant son expérience passée, Jacques Gérault ajoute : « J’ai servi un ministre — devenu président de la République — qui avait cette culture. Quand il y a un problème, il faut le régler. »

L’un des premiers « problèmes » que le préfet entreprend de « régler » concerne les camps de Roms dans la communauté urbaine de Lyon ou, plus exactement, leur évacuation. Le 1er août 2007, les forces de l’ordre, à la demande de la préfecture, expulsent les habitants du bidonville de la Soie, à Villeurbanne. Puis, le 28 août, ceux du camp du Puisoz, à Vénissieux. Durant l’année, d’autres squats dans lesquels vivaient des Roms seront à leur tour évacués. Ces opérations sont menées dans le cadre de la maîtrise d’oeuvre urbaine et sociale (Mous), mise en place par Jean-Pierre Lacroix — prédécesseur de Jacques Gérault à la préfecture du Rhône —, et financée par l’État, le Conseil général et la communauté urbaine. À l’origine, le but de la Mous était de lutter contre le développement des habitats précaires et insalubres que connaissait l’agglomération. Cinq ans après sa mise en place, Jean-Pierre Lacroix était allé plus loin en confiant à l’Association lyonnaise pour l’insertion par le logement (Alpil) l’accompagnement des personnes expulsées de leur hébergement de fortune. Toutefois, d’après les associations locales, aucune solution adaptée n’était proposée. Les Roms avaient pour seules options d’accepter une aide au retour volontaire ou de quitter l’endroit évacué pour s’installer un peu plus loin.

Dès sa prise de fonction, Jacques Gérault a donc donné une nouvelle impulsion à la Mous en lui confiant le soin de procéder à des expulsions massives de ces camps. Cette méthode a permis d’éradiquer les lieux vidés par la police. Mais, pour autant, les Roms n’ont pas quitté la ville. Évitant les grands regroupements, certains d’entre eux dorment maintenant dans des voitures, derrière les bosquets des jardins publics ou dans des entrepôts [2]. La préfecture du Rhône se félicite pourtant du résultat et affirme, de son côté, que les Roms ont disparu de Lyon et de ses alentours : « L’an dernier, il y en avait 1 400 dans l’agglomération. Aujourd’hui, il en reste environ 150. » [3] Pour la mairie, le nombre de Roms vivant dans l’agglomération lyonnaise aurait bien diminué, surtout à cause des reconduites à la frontière, mais 800 d’entre eux seraient encore présents [4].

La question des Roms étant réglée pour la préfecture, celle-ci a pu tourner son attention vers une autre communauté. Au cours du mois de juin 2008, ce ne sont pas moins de huit familles tchétchènes qui ont été soit convoquées à l’aéroport, soit placées en rétention, soit reconduites en Pologne en application du règlement de Dublin II [5]. Un père de trois enfants a été condamné à trois mois de prison ferme pour refus d’embarquement. Brice Hortefeux indiquait pourtant, dans une lettre à Olivier Brachet, directeur général de Forum Réfugiés, datée du 19 septembre 2007, « avoir attiré l’attention [des préfets] sur le cas particulier des ressortissants tchétchènes qui demandent l’asile en France, alors même qu’ils auraient préalablement séjourné dans un autre État membre de l’Union européenne, qui est souvent la Pologne. J’ai clairement indiqué qu’une réadmission vers la Pologne au titre du règlement de Dublin n’était pas souhaitable à ce stade et qu’il convenait de privilégier, dans cette hypothèse, la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour permettant à ces personnes de demander l’asile auprès de l’Ofpra. » [6] Le Réseau éducation sans frontières (RESF) lyonnais a dénoncé ce qu’elle considérait être, de la part de la préfecture du Rhône, une « chasse aux familles tchétchènes ».

Le RESF du Rhône, avec ses deux principales animatrices, Catherine Tourier et Mireille Peloux, est l’un des comités locaux du réseau national les plus importants et les plus actifs [7]. Aussi, lorsqu’il s’agit d’éloigner des familles autour desquelles la mobilisation est importante, la préfecture du Rhône n’hésite-t-elle pas à utiliser des moyens importants de manière à opérer dans la plus grande discrétion. Des avions ont ainsi été spécialement affrétés pour plusieurs familles sans papiers qui vivaient à Lyon.

En août 2007, ce sont Sherazade Djahnine et ses deux enfants, Céléna, trois ans et Jihlès, deux ans, qui, après avoir passé trente-deux jours en rétention, sont emmenés à bord d’un petit avion jusqu’à Paris d’où on les reconduira en Algérie. La première tentative d’éloignement, cette fois par voie maritime depuis Marseille, avait échoué quelques jours plus tôt, en raison notamment de la présence de nombreux militants RESF sur le quai [8].

En novembre 2007, Sarah et Léa Ali, âgées de trois ans et dix-huit mois, resteront elles aussi enfermées, avec leurs parents, trente- deux jours au centre de rétention de Lyon, avant d’être renvoyées vers l’Albanie. Deux heures avant la fin de la durée légale de rétention, la famille prenait place à bord d’un avion spécialement affrété pour elle au milieu d’une escorte de six policiers [9].

Grande discrétion également pour procéder à la reconduite à la frontière de victorine Andjembe, mère adoptive de deux adolescents de douze et quinze ans. Après quinze jours de rétention, elle sera réveillée à 3 heures du matin puis conduite en voiture dans la nuit jusqu’à Paris, où les policiers l’ont placée à bord d’un avion en partance pour Libreville, au Gabon. La jeune fille de douze ans et l’adolescent de quinze ans, dont elle avait la délégation parentale et qui vivaient avec elle à Lyon, n’ont pas été informés de son départ précipité. Ils sont restés en France, sans elle.

Il est également reproché à la préfecture du Rhône de ne pas toujours prendre en compte l’état de santé des personnes qu’elle éloigne. Ainsi, Ali Syed Zaidi a été renvoyé au Pakistan en janvier 2008. Souffrant d’une rare et grave maladie du sang, il avait bénéficié pendant cinq ans de titres de séjour pour étranger malade. Pendant ces années, il passe plusieurs mois à l’hôpital de Lyon et, en 2007, sa maladie entre en rémission. La préfecture refuse alors le renouvellement de son titre de séjour. Plusieurs spécialistes français, Médecins du Monde ainsi que des médecins pakistanais, affirment que le suivi médical ne pourrait être assuré au Pakistan. En revanche, le médecin de santé publique chargé par la préfecture d’émettre un avis estime que les soins requis pourraient être prodigués au Pakistan. Même si cet avis n’est pas corroboré par les autres médecins consultés, c’est lui qui sera retenu par la préfecture du Rhône et par le tribunal administratif de Lyon. Ali restera enfermé vingt jours au centre de rétention de Lyon Saint-Exupéry avant d’être reconduit à Islamabad [10].

Mahdi Dif, vingt ans, était lui en rémission d’un cancer du tibia. venu en France, à l’âge de dix-sept ans, avec un visa « étranger malade » pour échapper à une amputation, il est opéré à Paris. On lui pose une prothèse du genou et un suivi médical régulier lui est prescrit. Mahdi s’installe à Lyon, va au lycée puis travaille. Mais, dès sa majorité, la préfecture du Rhône refuse de lui renouveler son titre de séjour. Un certificat médical précise que « l’intéressé risque à tout moment un descellement de la prothèse […] ce qui nécessiterait une intervention urgente et rapide dans le centre hospitalier qui l’a opéré. Au cas où ce patient se trouverait en Algérie, dont les capacités sanitaires sont limitées, le pronostic vital serait mis en jeu et le résultat serait catastrophique sur sa santé. » Mahdi est pourtant arrêté et placé en rétention le 26 avril 2008. Un mois plus tard, il sera reconduit en Algérie.

Une « culture du résultat plutôt qu’une culture de moyens » ? L’opposition est peut-être trompeuse : car, pour régler un problème, Jacques Gérault n’entend aucunement lésiner sur les moyens.

Notes

[1]20 Minutes, 10 juillet 2007.

[2]libelyon, 9 décembre 2008.

[3]Idem.

[4]Idem.

[5]voir « Dublin II », p. 152.

[6] Lettre de M. Hortefeux relative à l’admission au séjour des Tchétchènes sous procédure Dublin vers la Pologne

[7]voir « RESF », p. 266.

[8]voir Sherazade Djanine, p. 29.

[9]voir Famille Ali, p. 11.

[10]voir Ali Syed Zaidi, p. 90.

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