Paul Girot de Langlade

Depuis le 23 mai 2006 : préfet d’Indre-et-Loire

Le 23 novembre 2006, Paul Girot de Langlade, nommé depuis peu préfet d’Indre-et-Loire, accorde une interview à La Nouvelle République du Centre-Ouest. « Préfet de métier, mais militaire de coeur », il s’enorgueillit d’éviter le politiquement correct — en particulier sur un sujet qui lui tient manifestement à coeur : « Ça m’agace. Il y a trop de gens du voyage sur l’Indre-et-Loire. On a été trop laxistes pendant trop longtemps. » En effet, « ce département a fait beaucoup pour eux puisque l’on a 250 places d’accueil. […] Il faut arrêter de se voiler la face », poursuit-il. « Chacun sait que quand ils arrivent quelque part, il y a de la délinquance. »

Le 13 septembre 2007, la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris condamne Paul Girot de Langlade à 2 000 euros d’amende pour « provocation à la discrimination raciale ». Dans son jugement, le tribunal a estimé que « s’exprimant avec l’autorité du représentant de l’État dans le département et usant d’un ton péremptoire, il tendait à susciter chez ses administrés un vif sentiment de rejet visant indistinctement un groupe de personnes en raison de leur appartenance ethnique » et que les propos de Paul Girot de Langlade « signifiaient clairement à ses lecteurs que les gens du voyage constituaient un groupe nuisible et criminogène ».

Certes, Paul Girot de Langlade a déjà tenu des propos comparables, mais c’est la première fois qu’il est condamné. C’est lui-même qui le souligne dans l’entretien de 2006 : « J’ai été poursuivi à trois reprises par le Mrap [Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples] pour avoir dit à un maire que les gens du voyage vivaient à nos crochets de rapines et d’escroqueries. C’est une triste réalité. Finalement, j’ai gagné ». Effectivement, en 2002, lors d’une réunion avec l’association départementale des maires, Paul Girot de Langlade, alors préfet du Vaucluse, répond en ces termes à l’interpellation d’un élu qui se plaint de la difficulté d’appliquer la loi [1] imposant la création d’aires d’accueil pour les gens du voyage : « Je n’ai pas de tendresse particulière pour ces gens-là. Ils vivent à nos crochets, de la rapine aussi, tout le monde le sait. […] On a déjà trouvé des gens qui avaient huit comptes en banque au Luxembourg. Certains roulent dans des Mercedes que je ne peux pas me payer. Moi aussi, ça m’agace. » [2]

À la suite de la polémique que ses propos ont suscitée, Paul Girot de Langlade s’est étonné « du remue-ménage fait pour une déclaration assez anodine » avant de poursuivre : « Les Français attendent de nous autre chose que des propos angéliques vis-à-vis des gens qui ne respectent pas forcément les lois. » Puis de confirmer devant les caméras, lors d’une conférence de presse à Carpentras, le 23 octobre 2002 : « Ces gens vivent d’escroquerie et de rapines, mais ce n’est pas une raison pour les pousser de place de village en place de village, ce n’est pas comme ça qu’on règlera le problème. Ce sont des gens qui roulent dans des voitures de luxe, qui ont des caravanes énormes et qui ne travaillent pas. On peut donc s’interroger sur les revenus de ces gens-là et je pense qu’il est de mon devoir de m’interroger sur : est-ce qu’il y a de la délinquance là derrière, oui ou non ? »

Invité sur le plateau du journal de 20 heures de France 2 le soir même, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, se désolidarise de Paul Girot de Langlade : « Je n’accepterai aucun amalgame, lorsque le préfet donne le sentiment que c’est l’ensemble des Roms ou des gens du voyage qui sont malhonnêtes, il a tort et je ne fais pas miens ses propos. » Puis, plus tard dans l’interview, le futur président de la République modère quelque peu sa réaction : « Quand le préfet a dit “il y a certaines grosses voitures”, j’ai posé cette question : comment se fait-il que, dans certains campements illégaux où tout le monde vit avec le RMI, on ait des voitures que ne pourra pas se payer un homme ou une femme qui travaille dur ? Eh bien nous avons prévu qu’on pourra saisir ces voitures et poser un certain nombre de questions. […] Je n’accepterai aucun amalgame pour la raison simple que nous allons nous donner les moyens d’agir. »

Après une plainte déposée par Michel Debart, représentant des gens du voyage, SOS-Racisme et le Mrap, Paul Girot de Langlade a été mis en examen pour « diffamation publique envers un groupe de personnes en raison de leur origine ou appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation ou une race ». Il bénéficie toutefois d’un non-lieu pour défaut de procédure en 2004.

En revanche, en septembre 2007, juste après sa condamnation, le Conseil des ministres sanctionne le préfet d’Indre-et-Loire en le plaçant « hors cadre » : il garde son statut de préfet et ses droits à la retraite, mais aucun territoire ne lui est attribué. Paul Girot de Langlade avait alors bénéficié du soutien d’un grand nombre d’élus du département d’Indre-et-Loire, de droite et de gauche : fin 2007, une pétition comptant plus de 2 000 signatures est remise à Nicolas Sarkozy, président de la République, par Philippe Briand, député UMP, et Yves Dauge, sénateur et membre du parti socialiste.

Paul Girot de Langlade a fait appel de sa condamnation. Lors de l’audience, le 14 mai 2008, il a déclaré avoir voulu « simplement mettre le doigt sur un problème, le problème de gens qui arrivent en caravane et qui créent un sentiment de peur chez nos citoyens » [3]. Le 25 juin 2008, la 11e chambre de la cour d’appel de Paris a relaxé l’ancien préfet d’Indre-et-Loire.

Notes

[1]Loi n°2000-614 du 5 juillet 2000.

[2]L’Humanité, 24 octobre 2002.

[3]La Nouvelle République du Centre-Ouest, 26 juin 2008.

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